Froufrou et compas, les atouts d’Émilie du Châtelet

Émilie du Châtelet (17 décembre 1706 – 10 septembre 1749) est la première femme savante de l’histoire des sciences modernes.

Par Lucie NIETO

Emilie du Châtelet

Une enfance remplie de connaissances pour Emilie du Châtelet

Émilie est la fille du baron de Breteuil, Louis Nicolas le Tonelier, et appartient donc à la riche noblesse française. Son père lui donne la même éducation qu’à ses garçons, ce qui est rare durant cette période du siècle des Lumières où la femme n’était utile qu’à marier et à s’occuper des tâches de la maison. Elle profite de ce privilège pour apprendre de nombreuses langues comme le latin, le grec ancien et l’allemand, mais acquérir aussi de nombreux talents artistiques comme le clavecin (piano ancien), la danse, le théâtre et l’opéra.

Une femme indépendante et aux multiples qualités, libre d’apprendre ! Il faut avouer que ce n’est pas habituel pour cette époque.

Clavecin

Un cerveau génial dans des robes en froufrou

À l’âge de 18 ans, elle épouse le marquis du Châtelet, un militaire qu’elle ne voit que très rarement, puisqu’il est régulièrement en campagne militaire. Comme toutes grandes dames de la cour royale, elle profite de tous les plaisirs, notamment les jeux d’argent, les opéras, les soirées finissant aux petites heures de la nuit, mais aussi la comédie. Son mari la laissait vivre librement, la laissant dépenser l’argent à sa guise pour s’offrir des tenues exceptionnelles et des bijoux.

Mais malgré ses désirs de toilettes luxueuses, de rubans de soie et de dentelles, elle décide aussi de suivre des cours de mathématique avec le très célèbre mathématicien de l’époque : Pierre-Louis Moreau de Maupertuis. C’est que les potins de la cour, c’est drôle un temps, mais quand on a un esprit remarquable, on préfère se pencher sur des questions d’algèbre et de géométrie.

Pour échapper aux discussions sans intérêt des membres de la cour, elle rejoignait ses amis en cachette au café Gradot. Mais comme ce lieu était interdit aux femmes, Emilie se déguisait en homme. Une femme en pantalon pour l’époque, c’est surnaturel, mais bien joué.

C’est d’la faute à Voltaire.

En 1734, elle fait la connaissance d’un célèbre écrivain aussi passionné qu’elle par la physique. Son nom ? Le célèbre Voltaire, reconnu comme étant le meilleur écrivain du pays.

Ce Monsieur a vite compris que ses poèmes ne suffiraient pas à séduire Emilie. Pour gagner son intérêt, il échangea les fleurs contre des équations. Voltaire la qualifiait de Prodige. Un homme qui complimente une femme pour son intelligence est assez rare au 18e siècle. Mais il faut avouer qu’elle le surpassait en mathématique. Ensemble, ils partagent le même intérêt pour les travaux de Newton, le célèbre physicien anglais. Il l’encourage à faire la traduction de son œuvre « Principia Matematica ». Grâce à sa relation avec ce célèbre philosophe, elle approfondit ses connaissances en physique et en mathématique qui sont, à la base, des matières exclusivement réservées aux hommes, ce qui fait d’elle l’une des premières femmes scientifiques modernes au monde.

Pour Emilie du Châtelet, la science compte avant tout le reste

Elle met toute son âme dans la science, particulièrement en analysant les travaux scientifiques et théoriques d’un autre grand scientifique dénommé Leibniz. Celui-ci étudie l’énergie cinétique, autrement dit, l’énergie des objets en mouvement. À l’époque, il formule l’hypothèse que cette énergie, autrefois appelée « force vive », augmentait avec la masse du corps en mouvement et sa vitesse. Une idée qu’Émilie a démontrée expérimentalement dans son château de Cirez, en Lorraine, en faisant tomber une bille de plomb dans de l’argile molle à hauteurs variables.

Elle participe aussi anonymement à un concours lancé par l’Académie des Sciences. Deux semaines avant la fin du concours, elle se décide à écrire une théorie qui sera vérifiée plus tard. C’est son mari, qui va déposer pour elle son essai. Car aucune femme ne pouvait se permettre de concourir à l’Académie des Sciences. Cela ne se faisait pas voyons ! 

 

Chateau de Cirez

Mais si elle ne gagne pas le prix, son travail est à ce point remarquable qu’il sera publié. C’est la première fois que l’Académie française des Sciences publiait un article écrit par une femme.

En 1748, elle tombe amoureuse et rapidement enceinte du militaire Jean-François de Saint-Lambert, qu’elle rencontre à Lunéville, à la cour du Duc de Lorraine. Elle est alors âgée de 42 ans. Sa grossesse ne se passe pas très bien, c’est pourquoi elle s’empresse de terminer la traduction de la célèbre œuvre de Isaac Newton, « Principes mathématiques de la philosophie naturelle ». L’accouchement de sa petite fille, le 5 septembre 1749, rencontre des complications et elles décèdent toutes les deux quatre jours plus tard, juste après avoir eu le temps de boucler son manuscrit et de l’envoyer à la bibliothèque du roi. Voltaire s’occupera plus tard de faire publier le manuscrit d’Émilie. Grâce à cette publication, « Les principes » d’Émilie resteront dans les mémoires et deviendra un manuel de référence.

La détermination, la clé du succès

En conclusion, Emilie a eu la chance de naître dans une famille où l’intelligence des filles était reconnue égale à celle des garçons. Son mari, comme son ami Voltaire l’a soutenue à une époque où les hommes étaient convaincus que le cerveau des femmes n’était pas capable de comprendre les sciences.

Mais au-delà d’un entourage favorable, Emilie est aussi une femme qui se fiche de faire autrement que les autres. C’est une femme déterminée, consciente de sa différence et qui l’assume pleinement. Et tant pis pour les ragots !

Emilie du Châtelet

17 décembre 1706

10 septembre 1749